Anne-Marie et Renée essaient de siphonner les bidons que les Allemands ont mis dans le jardin, mais c’est un chauffeur français réquisitionné par les Allemands pour l’organisation Todt, monsieur Berthelot, qui leur procure le carburant en le siphonnant au péril de sa vie.
        Le déménagement est prêt, chargé sur le camion conduit par un ouvrier des Kaolins, Monsieur Kerdelhué. La famille arrive à Inguiniel mais entre-temps le logement a été pris ; Mr Kerdelhué obligé de rentrer à Ploemeur pour assurer un autre transport, dépose les meubles sur la place de l’église ; le maire trouve en dépannage une grange pour dormir au village de Leslé, puis à Roscodo en Inguiniel où les Robic sont les seuls réfugiés. Ils sont accueillis par les cultivateurs du village qu’ils aident en échange des produits de la ferme ; la solidarité est forte à la campagne, le meunier n’hésite pas à prélever un peu de farine sur les moutures pour les enfants. La vie est dure dans cette grange où le soleil ne pénètre que par la porte, mais le calme est retrouvé ; le silence des nuits, la chaleur des habitants, la campagne vivante des travaux des champs redonnent espoir aux plus jeunes.
        Toutefois les aînées savent que les bombardements font des morts à Lorient et à Ploemeur, que les résistants sont torturés et meurent dans les prisons de Pontivy, de Locminé, de Port-Louis, de Quimper ; et surtout que les envahisseurs sont toujours là fanfaronnant dans les rues de Bubry, comme dans tous les villages de France, et que tout près de leur refuge, à Melrand, se trouve l’Etat-Major allemand pour la région.
        Anne-Marie écoute, se renseigne : elle apprend que le premier FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français) du Morbihan a été créé à Borthulin en Bubry en 1942. Les maquis ont regroupé et organisé les premiers résistants isolés et des réfractaires au STO les ont rejoints.
        La résistance à l’occupant avait commencé dès 1940 dans les villes (à Lorient-Kerentrech existait une imprimerie clandestine qui diffusait des tracts appelant à résister à l’envahisseur). Les actes isolés se multipliaient ; déraillements, sabotages de lignes téléphoniques et électriques. Mais c’est dans la campagne que tous ces jeunes mus pour la plupart par leur refus de la domination militaire ennemie et leur besoin d’agir rejoignirent les plus anciens, déjà bien engagés dans la lutte contre le système politique et social nazi.
        René Jéhanno rassemble les premiers hommes sur le secteur de Bubry dès 1942 ; il est arrêté par les Allemands l’année suivante.
        A cette époque, les résistants sont peu nombreux mais ainsi ils s’organisent plus facilement en maquis, groupes de 6 à 10 très mobiles, obéissant aux ordres de l’Etat-Major Départemental, relais du CMR (Comité Militaire Régional). Les précautions à l’enrôlement sont strictes. Les groupes constitués choisissent eux-mêmes leur chef ; c’est ainsi qu’en 1943 Célestin Chalmé prit le commandement du groupe FTP d’Inguiniel. Dans toute cette région, Plouay, Bubry, Quistinic, Persquen, Inguiniel, Guern, la résistance s’organise, soutenue par une population très mobilisée, contre l’occupant. Paysans, médecins, infirmières, sages-femmes, épouses de résistants, constituent un réseau de soutien indispensable aux maquisards qui harcèlent l’ennemi.
        Anne-Marie est décidée à agir et participe à des actions ponctuelles dès 1943. Malgré leurs craintes, elle a convaincu ses frère et sœurs ; Renée accepte de s’occuper des enfants. Elle rencontre alors Célestin Chalmé (Charles) qui apprécie sa force de caractère et sa détermination. Et c’est au village de Roscodo en Inguiniel que le 14 janvier 1944, Anne-Marie signe son acte d’engagement d’honneur dans les FTPF et demande pour pseudonyme son petit nom d’enfance : Nénette.

        En 1943, beaucoup de réfractaires au STO rejoignent la résistance. Nombre de maquisards sont arrêtés, emprisonnés à Pontivy, à Locminé, à l’Ecole Ste-Anne de Guémené, au Faouët, beaucoup d’entre eux connaîtront les horreurs des salles de torture avant d’être fusillés à Port-Louis ou à Penthièvre en 1944.
     
Retour.
AM Robic Page 4.